
Fausses liaisons
On a parfois tendance à lier à l’oral deux mots par une consonne qui n’existe dans aucun des deux mots. C’est ce qu’on appelle les fausses liaisons.
Ces erreurs de liaison sont généralement causées par un hiatus, c’est-à-dire par la rencontre de deux voyelles; c’est souvent pour éviter la rencontre de deux sons vocaliques qu’on insère une consonne de liaison fictive entre deux mots, un peu comme on le fait lorsqu’on met un t euphonique entre le verbe et le pronom sujet lorsqu’il y a inversion (Viendra-t-elle?).
Une autre raison qui peut expliquer ces liaisons fautives est l’analogie. On sait que la langue populaire se caractérise notamment par une tendance à la simplification et à l’uniformisation. C’est pourquoi, par exemple, on pourra entendre vingt oiseaux prononcé [vẽzwazo] (vin‑zoi-zo) plutôt que [vẽtwazo] (vin-toi-zo); on a ajouté ici la marque du pluriel à l’oral, le s prononcé [z] (z), à un déterminant (vingt) qui ne comporte pas ce s, par analogie avec les oiseaux, des oiseaux, etc.
Il y a trois types de fausses liaisons : le pataquès, le cuir et le velours.
Le pataquès
Le mot pataquès, qu’on prononce [patakɛs] (pa‑ta-kès), a deux sens. Il désigne d’abord, de façon générale, le fait d’ajouter une consonne qui n’existe pas à la fin d’un mot. C’est ce qu’on fait quand on insère un n ou un l entre deux mots. La tendance à insérer un n est probablement une généralisation de la liaison après un, en ou les possessifs mon, ton, son; l’insertion d’un l est peut-être, elle, une généralisation de la liaison après le pronom il.
Pataquès peut aussi désigner plus précisément la tendance à substituer un s à un t final, ou un t à un s final, dans un enchaînementSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : enchainement..
- Ça a pris du temps! saapʀisa-a‑pri, et non [salapʀi] (sa-la-pri)
- Ils vont en parler aux nouvelles. vɔ̃ãpaʀlevon‑an-par-lé ou vɔ̃tãpaʀlevon-tan-par-lé, et non [vɔ̃nãpaʀle] (von-nan-par-lé)
- Ces filles sont beaucoup trop habillées. tʀopabijetro-pa‑bi-yé, et non [tʀosabije] (tro-sa-bi-yé)
- Ils devraient être ici. dəvʀɛtɛtʀde‑vrè-tètr, et non [dəvʀɛzɛtʀ] (de-vrè-zètr)
- J’avoue que j’étais intimidée. ʒetɛzẽtimidejé-tè-zin‑ti-mi-dé, et non [ʒetɛtẽtimide] (jé-tè-tin-ti-mi-dé)
Le cuir
Le cuir consiste à introduire un t sans raison entre deux mots. Le cuir est probablement dû à une généralisation de la liaison après des formes fréquentes telles que est, sont, était, ont, avaient, etc.
Le velours
Le velours, enfin, consiste à introduire un s, prononcé [z] (z), sans raison entre deux mots. Cette fausse liaison est vraisemblablement due à une généralisation de la liaison après des formes fréquentes se terminant par un s muet, comme avons, avais, étais, les, deux, etc.
- Pierre n’est pas au bureau aujourd’hui. byʀooʒuʀdɥibu‑ro-o-jour-dui, et non [byʀozoʒuʀdɥi] (bu-ro-zo-jour-dui)
- Les Européens n’ont pas les mêmes habitudes que les Nord-Américains. nɔʀameʀikẽno-ra‑mé-ri-kin, et non [nɔʀzameʀikẽ] (nor-za-mé-ri-kin)
- Irène a cinq enfants. sẽkãfãsin‑kan-fan, et non [sẽkzãfã] (sink-zan-fan)
- Ils doivent en remettre la moitié. dwavtãdoiv‑tan, et non [dwavzã] (doiv-zan)