Emploi des constructions être, aller et venir pour suivis d’un infinitif
Être pour, aller pour ou venir pour suivies d’un infinitif sont des constructions qui ont en commun un effet de sens d’imminence dans un contexte où l’action entreprise sera généralement interrompue (momentanément ou définitivement). Ainsi, quand on dit : il était pour partir quand il s’est ravisé, on comprend que la personne n’est finalement pas partie, du moins pas au moment où elle s’apprêtait à le faire.
- L’enfant allait pour traverser la rue quand sa mère l’a aperçu. (ou : s’apprêtait à traverser, allait traverser)
- Elle allait pour sortir quand le téléphone a sonné. (ou : allait sortir, était sur le point de sortir)
- Il était pour tout lui avouer, mais a finalement décidé de se taire. (ou : allait tout lui avouer)
- Quand l’homme est venu pour parler, il a été interrompu. (ou : a voulu parler)
- Lorsqu’il vient pour rendre sa décision, l’arbitre tient compte de plusieurs facteurs. (ou : Au moment de rendre)
- C’est quand ils sont venus pour vendre leur maison qu’ils ont découvert le problème. (ou : C’est au moment de vendre, C’est quand ils ont voulu vendre)
- Il était parti pour tout laisser tomber quand il a appris la bonne nouvelle. (ou : il allait, il était sur le point de tout laisser tomber)
- J’ai suivi le mode d’emploi, mais quand je suis arrivé pour me connecter, impossible! (ou : quand j’ai voulu me connecter)
Partir pour et arriver pour
D’autres constructions telles que partir pour ou arriver pour ont le même effet que celles déjà décrites, du moins en français québécois. Dans toutes ces expressions exprimant un futur proche, on constate que le verbe perd son sens plein et agit comme un auxiliaire d’aspect (aussi appelé semi-auxiliaire en grammaire traditionnelleGrammaire dont l’approche pédagogique vise la compréhension de la langue par l’analyse du mot et de son sens.
A été remplacée par la grammaire actuelle dans le système scolaire québécois.), l’effet d’imminence étant notamment porté par la préposition pour.
Critiques et usages des constructions être pour, venir pour et aller pour
Ce type de construction est courant en français québécois, mais il ne lui est pas propre. Des grammairiens ont relevé des attestations des périphrases être pour ou venir pour suivies d’un infinitif au sens de « se disposer à » dès le XVIe siècle, en moyen français. Le tour être pour a été critiqué par certains grammairiens à la fin du XVIIe siècle. Il semble toutefois que ces condamnations n’aient pas empêché son usage. On le trouve d’ailleurs consigné, sans marque, dans la dernière édition du Dictionnaire de l’Académie française au sens d’« être sur le point de ». L’exemple donné, Il était pour partir quand je suis arrivée, n’est pas sans rappeler son emploi au Québec. Ces mêmes constructions ont également été relevées dans les parlers de diverses régions de France (Ouest, Picardie, Franche-Comté, Midi).
Quant à la périphrase aller pour suivie de l’infinitif, elle est bien décrite dans la grammaire Le bon usage de Grevisse, qui cite des auteurs des XIXe et XXe siècles et mentionne que le tour est fréquent dans les indications scéniques au théâtre. Le dictionnaire Trésor de la langue française l’enregistre également et précise qu’il est employé « pour marquer une action qu’on se dispose à faire dans l’immédiat mais qui n’est pas sûreSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : sure. d’aboutir ». À la lumière de ces attestations, on peut s’étonner des marques « populaire ou régional » données dans le dictionnaire Le grand Robert, qui cite pourtant l’écrivain Julien Green. Il est probablement plus juste d’y voir un emploi vieilli dans la langue générale, comme l’indique Le petit Robert.
- Il va pour sortir et voit la marquise. (A. de Musset, cité dans Le bon usage)
- En haut, une femme en noir, une rose rouge à la main. Elle va pour descendre. (J. Green, cité dans Le grand Robert)
- J’allais pour me coucher, lorsque j’entendis marcher dans le petit corridor au bout duquel était ma chambre, on s’arrête à ma porte. (E. Sue, Les mystères de Paris; il est intéressant de constater que la préposition pour a été supprimée dans des éditions subséquentes)
- Le jour même où tout joyeux j’allais pour chercher et reprendre mon frère… il était mort. (J. Janin, Alexis Monteil : histoire d’une famille bourgeoise)