La fonction phonétique de l’accent grave
Lorsque l’accent grave a une fonction phonétique, c’est-à-dire qu’il sert à préciser la prononciation d’un mot, il n’est possible que sur la lettre e, qui correspond alors au son [ɛ], que l’on a dans le mot près. Il permet d’opposer ce son au son [e], correspondant au é du nom dé, et au son [ə], correspondant au e de la préposition de.
Positions possibles du è
L’accent grave est habituellement employé en syllabe graphique ouverte, c’est-à-dire que le è termine la syllabe graphique.
Dans ce contexte, le è peut être suivi d’une consonne simple, de deux consonnes qui représentent un seul son ou encore d’un groupe de deux consonnes se terminant par un l ou un r. On met ainsi un accent grave sur le e lorsque la syllabe qui suit contient un e muetLettre e qui ne se prononce pas. Par exemple : le e du mot bougie..
- Je n’ai jamais avoué à ton frère que j’étais secrètement amoureuse de lui.
- Pourrais-tu t’assurer que les serviettes sont sèches?
- Ce roman a été écrit au XIXe siècle.
On met aussi souvent un accent grave sur le e lorsqu’il se trouve devant un s final, que cette lettre soit prononcée ou non.
- Il a promis de m’appeler immédiatement après le procès.
- Les employés ne peuvent avoir accès à ces documents.
- Cette crème contient de l’aloès.
Alternance entre e, é et è dans les formes verbales
La règle selon laquelle l’accent grave est employé en syllabe graphique ouverte fait que certains verbes du premier groupe dont le radical se termine par un e ou par un é voient cette voyelle transformée en è dans quelques-unes de leurs formes verbales.
Dans d’autres verbes, toutefois (dans jeter et acheter, entre autres), on redouble la consonne suivante plutôt que de mettre un accent grave sur le e.
- Mon mari ne pensait pas qu’il gèlerait autant.
- Ma sœur et sa famille se lèveront à 6 h demain matin.
- Cet instructeur repère rapidement les qualités de ses joueurs et de ses joueuses.
Alternance entre é et è dans des mots de même famille
La même règle fait aussi que, dans une même famille de mots, certains mots s’écrivent avec un accent aigu et d’autres avec un accent grave, par exemple : fidèle/fidélité, mystère/mystérieux.
Positions dans lesquelles è ne figure jamais
On ne trouve jamais de è devant une consonne double (ni devant un x, qui s’apparente à une consonne double), puisque les consonnes doubles indiquent déjà que le e qui précède se prononce, théoriquement, comme un e ouvert.
- Son cellier est rempli de bouteilles de vin rouge.
- Ce polygone est convexe.
On ne trouve pas non plus de è devant une consonne finale autre que s.
- Le ciel était magnifique.
- C’est le cadet de ses soucis.
Notons enfin qu’on ne trouve pas de è en position initiale du mot (sauf dans de très rares exceptions comme ère ou Ève) ni en position finale.
Rectifications de l’orthographe
Les rectifications de l’orthographe de 1990 ont proposé de modifier le é pour un è dans certains contextes afin de mieux correspondre à la prononciation.
Ainsi, les formes conjuguées des verbes du type céder, qui ont longtemps pris un accent aigu au futur et au conditionnel, peuvent aujourd’hui s’écrire avec un è.
De même, les inversions interrogatives de la première personne du singulier du type aimé-je peuvent maintenant s’écrire avec un è (aimè-je). Dans ces cas, l’emploi du é et celui du è sont tous les deux corrects.
Historique de la fonction phonétique du è en français
Au XVIe et au XVIIe siècle, on n’employait l’accent grave que dans une fonction distinctive. Puisqu’on distinguait encore mal, à cette époque, la différence entre le son correspondant à é et celui correspondant à è, on employait dans certains mots l’accent aigu là où l’on emploie aujourd’hui l’accent grave; on écrivait notamment accés et cyprés plutôt que accès et cyprès. Dans d’autres mots, on redoublait la consonne suivant le e pour signifier que ce e se prononçait comme un è.
C’est à partir de la moitié du XVIIIe siècle qu’on emploiera régulièrement l’accent grave pour représenter le son è. L’accent grave sur le e a fait disparaîtreSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : disparaitre. certaines consonnes doubles (fidelle est devenu fidèle, secrette est devenu secrète), ces consonnes devenant inutiles puisqu’elles jouaient le même rôle que l’accent.