Qu’est-ce qu’un emprunt morphologique?
L’emprunt morphologique, appelé aussi calque morphologique, consiste en la traduction littérale d’une forme étrangère. Une forme est ainsi créée à partir d’éléments préexistants dans la langue emprunteuse : des mots et parties de mots (préfixes, suffixes) sont unis sous l’influence d’une autre langue.
Chacun des éléments de la forme calquée appartient donc à la langue emprunteuse, mais le nouvel ensemble imite le modèle morphologique de la langue prêteuse et reproduit l’image véhiculée par cette dernière. On peut également considérer comme un emprunt morphologique des faits de grammaire attribuables à l’influence d’une autre langue.
Mots simples empruntés à l’anglais
Certains emprunts morphologiques sont des mots simples. À un mot ou à un radical français on ajoute un ou des éléments, aussi français, pour créer une forme reproduisant une structure anglaise.
- Créé sur le modèle de supermarket, le mot supermarché est depuis longtemps accepté en français.
- Les mots chambreur ou chambreuse, principalement usités au Québec, désignent le ou la locataire d’une chambre. Ils ont été créés d’après roomer. Correctement formés en français, bien implantés et sans réels équivalents, ils sont aujourd’hui acceptés.
- Plusieurs verbes ainsi que les noms correspondants reproduisent le modèle de formes anglaises. Bien formés en français et consacrés par l’usage, ceux-ci sont aujourd’hui jugés légitimes. On peut penser à :
- démoniser et démonisation (to demonize et demonization);
- finaliser et finalisation (to finalize et finalization);
- prioriser et priorisation (to prioritize et prioritization).
- Le mot surtemps, employé au Québec depuis longtemps, signifie « heures supplémentaires ». Calqué sur overtime, il a fait l’objet de nombreuses critiques et demeure déconseillé.
Unités lexicales complexes empruntées à l’anglais
Plusieurs emprunts morphologiques sont des mots composés ou des unités lexicales complexes. Tous leurs constituants sont français, mais la nouvelle forme imite une forme anglaise.
- De nombreux emprunts morphologiques sont déconseillés en raison, entre autres, d’une « incompatibilité sémantique » entre les constituants, c’est-à-dire que l’un d’eux est employé dans un sens non accepté en français qui correspond à celui de son équivalent anglais. Parmi ceux-ci :
- bénéfices marginaux, « avantages sociaux » (fringe benefits);
- appel longue distance, « appel interurbain » (long distance call);
- conditionnement physique, « entraînementSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : entrainement. physique » (physical conditioning);
- nom corporatif, « nom d’entreprise » (corporate name).
- De nombreux emprunts morphologiques sont jugés tout à fait légitimes, notamment parce qu’ils ont servi à nommer des concepts nouveaux, d’origine étrangère ou d’abord nommés en anglais, et puisqu’ils s’intègrent bien au système du français. Parmi ceux-ci :
- dépôt direct (direct deposit);
- gratte‑ciel (skyscraper);
- hors‑la-loi (outlaw);
- lune de miel (honeymoon);
- plafond de verre (glass ceiling).
- Le cas du québécisme fin de semaine est intéressant. Ce calque s’est imposé au Québec, durant les années 1920, alors que l’emprunt intégral week-end se généralisait en Europe, à la même époque. Toutefois, week-end s’est beaucoup répandu au Québec, et de façon plus marquée depuis le début des années 2000. Il fait cependant encore l’objet de certaines réserves, et la forme francisée fin de semaine demeure privilégiée.
Autres cas d’emprunts morphologiques à l’anglais
Moins fréquentes que les cas de figure présentés ci-dessus, d’autres influences de l’anglais peuvent tout de même être observées sur le plan morphologique.
- L’ordre des mots dans certains adjectifs composésAdjectif constitué de plusieurs mots joints par soudure (bienfaisant) ou par juxtaposition (haut placé, nord-américain), qui caractérise un nom ou un pronom pour le préciser ou le catégoriser.
En grammaire traditionnelle, on emploie le terme locution adjectivale ou locution adjective pour désigner un concept semblable. et dans les noms correspondants a été influencé par l’anglais. C’est le cas, par exemple, de Nord-Américain et de Sud-Américain, respectivement formés sur le modèle de North American et South American. Ces formes, bien implantées, permettent notamment une distinction par rapport à Américain du Nord et Américain du Sud, qui désignent plutôt des personnes habitant respectivement le nord et le sud des États-Unis. - On attribue souvent à une influence de l’anglais l’emploi au pluriel de certains mots pour lesquels le singulier serait normalement attendu. C’est le cas de les argents, employé pour désigner, de manière générale, une somme d’argent, des fonds (moneys ou monies). On rencontre aussi les douanes, au lieu de la douane (customs). Ces emplois sont critiqués.