L’emprunt linguistique : définition, contexte et traitement
De tout temps, les mots ont voyagé d’une langue à l’autre, avec les réalités qu’ils désignent, avec les idées qu’ils véhiculent. Issu des échanges linguistiques et culturels entre diverses populations, le phénomène de l’emprunt n’est donc pas récent, et ses origines sont multiples : héritages des contacts de langues lors de lointaines conquêtes, mots introduits par le commerce ou la science, influences réciproques en contexte plurilingue, choix délibérés à des fins stylistiques, etc.
Mais en quoi consiste exactement l’emprunt linguistique? Comment ce phénomène s’inscrit-il dans différents contextes sociolinguistiques, en particulier lorsqu’il est question d’emprunts à l’anglais en français? Comment les faits de langue empruntés sont-ils traités?
Qu’est-ce qu’un emprunt?
L’emprunt linguistique est un procédé qui consiste, pour les usagers et les usagères d’une langue, à adopter intégralement ou partiellement une unité ou un trait linguistique d’une autre langue. Le terme emprunt désigne également un élément introduit dans une langue selon ce procédé. Les principales composantes de la langue peuvent être touchées : lexique, sens, morphologie, syntaxe et prononciation.
Il importe de préciser que le degré d’adaptation des emprunts au système du français est très variable. En effet, si certains sont facilement reconnaissables, d’autres passent le plus souvent inaperçus pour la majorité des gens.
L’emprunt, comme la création lexicale, peut représenter un procédé d’enrichissement linguistique : il permet aux langues de maintenir leur vitalité, de se renouveler et d’évoluer. Il n’est donc pas mauvais en soi, et il est même normal, voire essentiel. Toutefois, particulièrement dans le contexte général de l’aménagement linguistique au Québec, ce procédé doit faire l’objet d’une attention particulière.
Les emprunts à l’anglais
Au cours de son histoire, le français a emprunté à des langues anciennes, comme le grec et le latin, ainsi qu’à l’italien, à l’allemand, au russe et à une multitude d’autres langues, auxquelles il a assurément prêté aussi. Par contre, l’anglais vient maintenant en tête de toutes les langues prêteuses, dans le contexte mondial actuel où il s’est imposé comme langue véhiculaire des affaires et de la science, notamment.
Les faits de langue empruntés à l’anglais, couramment appelés anglicismes, font depuis longtemps l’objet de nombreuses critiques dans les dictionnaires et autres ouvrages de référence. Le terme anglicisme, lui-même emprunté à la langue de Shakespeare, en est alors venu à désigner, très souvent, non plus un simple emprunt à l’anglais, mais un emploi critiqué en raison de son origine anglaise. Compte tenu de cette connotationValeur subjective qu’a un mot ou un énoncé, en soi ou dans un certain contexte., le terme plus neutre emprunt à l’anglais est privilégié dans la Banque de dépannage linguistique.
Il est utile de rappeler que tous les emprunts à l’anglais ne sont pas condamnables. En effet, de nos jours, qui critiquerait les emprunts à l’anglais que sont, par exemple, actuaire, albatros, barbecue, camping, caméraman, carpette, détecter, film, gratte-ciel, malt, mamie, paquebot, partenaire, rail, scout, snob, tennis, tourisme et wagon?
L’emprunt en contexte sociolinguistique québécois
La situation sociolinguistique des diverses communautés francophones n’est pas identique. Ainsi, la question de l’emprunt, particulièrement de l’emprunt à l’anglais, ne se pose pas de la même manière au sein de celles-ci, que ce soit en Amérique, en Europe ou en Afrique.
Au Québec, le phénomène de l’emprunt s’inscrit dans un contexte sociohistorique propre et dans une dynamique sociolinguistique particulière où l’anglais est très présent. Cela teinte évidemment la perception qu’en ont les locuteurs et les locutrices du français. Par exemple, il est intéressant de noter que, au Québec, on s’est alarmé de la menace de l’anglais dès la fin du XIXe siècle. À titre de comparaison, ce n’est que dans la seconde moitié du XXe siècle que cette préoccupation a commencé à réellement se manifester en France.
Mentionnons que la situation vécue au Québec par rapport à l’anglais n’est pas unique. En effet, on observe des situations comparables ailleurs dans la francophonie. Par exemple, en Belgique et en Suisse, le français est influencé respectivement par le flamand et le suisse allemand, langues avec lesquelles il y est en contact.
Le traitement des emprunts à l’Office québécois de la langue française
Le traitement des emprunts, et particulièrement ceux faits à l’anglais, suscite au Québec de nombreux questionnements. Il a ainsi toujours été une composante essentielle de l’action de l’Office québécois de la langue française. Tout en faisant la promotion du développement et de l’enrichissement du français, en vertu de la mission de francisation qui lui est dévolue par la Charte de la langue française, l’Office ne saurait rejeter en bloc tous les emprunts à l’anglais. Il se propose donc, pour ses diverses recommandations linguistiques et terminologiques, de jeter un regard avisé sur ceux-ci en fonction des principes et des critères énoncés dans sa Politique de l’emprunt linguistique.
Dans la Banque de dépannage linguistique, de nombreux articles sont consacrés aux emprunts à l’anglais. Alors que plusieurs des mots ou expressions traités demeurent déconseillés, certains, à la suite d’une analyse approfondie, sont considérés comme tout à fait acceptables; pour d’autres encore, sans qu’ils soient jugés incorrects, des réserves demeurent. Riches d’explications et d’exemples, les articles de la Banque proposent des solutions de rechange à divers emprunts susceptibles de poser problème aux usagers et aux usagères de la langue française, particulièrement en contexte québécois.
Pour ce qui concerne le volet terminologique des travaux de l’Office, c’est-à-dire ceux portant sur les mots désignant des concepts liés à des domaines d’emploi spécialisés, on se référera au Grand dictionnaire terminologique.