Les expressions sous zéro, en dessous de zéro et en bas de zéro
On peut relever, au Québec, plusieurs formulations pour rendre compte d’une température froide, au-dessous du point de congélation. Certaines ont été critiquées à tort, mises au compte d’une influence de l’anglais below zero. Des recherches approfondies et un réexamen des usages permettent de remettre en question cette explication et, du même coup, les condamnations auxquelles elle a conduit.
Ainsi, les expressions en dessous de zéro, sous zéro et en bas de zéro ont été condamnées au profit de la formule au-dessous de zéro ou, plus simplement, de moins x (degré ou degrés).
- Le mercure indique présentement moins dix degrés. (ou : dix degrés au-dessous de zéro)
Sous zéro
Rien ne justifie que l’on condamne sous zéro. Il ne s’agit pas d’un emprunt à l’anglais.
Cette formule est attestée depuis le XVIIIe siècle, et elle est utilisée par certains lexicographes depuis le XIXe siècle. C’est le cas, par exemple, de Littré, qui définit ainsi le mot oléine : « substance organique grasse, liquide à 4 degrés sous zéro ». Elle figure dans le Trésor de la langue française (TLF), dans les articles sous et zéro, dans des citations de Maupassant (XIXe siècle) et de Gide (XXe siècle).
La marque rare indiquée dans le TLF est inexacte. Une recherche effectuée notamment dans la presse confirme que le tour est largement usité dans toute la francophonie.
- « Je n’ai jamais vu une gelée pareille, disait-il, nous avions déjà douze degrés sous zéro à six heures du soir. » (Maupassant, cité dans le TLF)
- « […] le froid descend parfois à 20 degrés sous zéro bien qu’on soit ici sous la latitude de Naples […]. » (Onésime Reclus, La terre à vol d’oiseau, Paris, 1886)
- « […] Orléans vient d’enregistrer un record pour un mois de novembre, avec quinze degrés sous zéro : température immanquablement qualifiée de “sibérienne” […]. » (La Croix, quotidien français)
- « Au petit-déjeuner, le thermomètre du refuge indiquait 20 °C sous zéro. » (Le Soir, quotidien belge)
- « Une nature rude, où la température peut s’installer largement sous zéro en hiver et grimper à plus de 40 en été. » (24 heures, quotidien suisse)
En dessous de zéro
Rien non plus ne justifie la condamnation de la locution en dessous de zéro (sans trait d’union, contrairement à au-dessous de) dans ce contexte.
On peut invoquer le fait que si au-dessous de zéro s’oppose à au-dessus de zéro, en dessous de ne s’oppose pas à en dessus de (emploi « très rare » selon Le bon usage de Grevisse). Mais ce serait omettre de reconnaîtreSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : reconnaitre. la forte concurrence des deux locutions au-dessous de et en dessous de dans la langue courante, signalée notamment par Grevisse : « Les grammairiens opposent au-dessous de à en dessous de […]. Cependant la deuxième locution concurrence la première. » Le Dictionnaire de l’Académie française mentionne également, à propos d’en dessous de : « Dans une échelle de mesures, une hiérarchie. On enrôlait tous les hommes en dessous de cinquante ans. Vendre, acheter en dessous des cours. » Cet emploi est très proche de l’échelle des degrés. En outre, le TLF consigne en dessous de « inférieur à (par rapport à une norme, une limite) », qu’il illustre par une citation de Zola (XIXe siècle) : « L’héritage en dessous de vingt hectares, était de quatre-vingts pour cent. » Ce dictionnaire précise dans une remarque que « l’hésitation est grande entre en + dessous (de) et au-dessous (de) à tel point que la langue usuelle substitue l’un à l’autre ».
Enfin, une recherche dans la presse européenne révèle même une nette prédominance de la formule en dessous de zéro sur sa concurrente au-dessous de zéro.
- « […] l’hiver est là, avec des températures qui vont tomber en dessous de zéro! L’aide humanitaire est-elle au rendez-vous? » (Tribune de Genève, quotidien suisse)
- « Dans la nuit noire et glaciale de janvier, alors que la température avoisine 25 degrés en dessous de zéro, ils sont venus se baigner! » (Le Monde, quotidien français)
- « À Stockholm, 3 000 personnes ont bravé la neige et des températures en dessous de zéro pour brandir des stylos et dire “Je suis Charlie”. » (Le Soir, quotidien belge)
- « Les images étaient prises à des lieux et à une saison où la température était nécessairement très en dessous de zéro. » (Libération, quotidien français)
- On prévoit de la neige et du froid avec des températures bien en dessous de zéro.
En bas de zéro
Reste le cas de la formule en bas de zéro. En bas de s’emploie habituellement dans la langue générale pour indiquer une position par rapport à quelque chose : en bas du lit, de la côte, de l’échelle, de la page, etc. Pour indiquer une température, elle ne semble pas en usage ailleurs qu’au Québec.
Plus largement, la locution en bas de suivie d’une quantité, d’un nombre, d’un degré, tout comme son opposé en haut de dans des contextes similaires, ne semble pas usitée dans la langue générale; du moins les dictionnaires contemporains ne la décrivent-ils pas dans ce contexte.
En bas de zéro est par ailleurs souvent senti comme relevant d’un usage plus familier au Québec. Dans un registre soigné, il est recommandé de lui préférer les autres formules mentionnées.
Au-dessus de zéro
Enfin, certains observateurs de la langue au Québec ont critiqué le fait d’utiliser au-dessus de zéro lorsqu’il est question d’une température au-dessus du point de congélation. Selon eux, on devrait dire il fait 5 (degrés) au-dessous de zéro, mais il fait 5 (degrés). Là encore, s’il est vrai que l’on ne sent pas nécessairement le besoin de préciser au-dessus de zéro, il n’y a pas lieu de critiquer son emploi. On trouve, du reste, cette locution dans l’article zéro de nombreux dictionnaires.