La dérivation
La dérivation est un mode de formation qui consiste en l’ajout d’un ou plusieurs préfixes ou suffixes à un radical ou à un mot déjà présent dans la langue, pour former ce que l’on appelle un mot dérivé.
Comment forme-t-on un mot dérivé?
Les préfixes et les suffixes sont des éléments porteurs de sens qui sont non autonomes, puisqu’ils doivent nécessairement être joints à un radical ou à un mot. Alors que le préfixe se place devant le radical ou le mot pour en modifier le sens, le suffixe est une terminaison qui s’ajoute à la suite de ceux‑ci, afin de créer un mot dérivé appartenant souvent à une autre classe de mots.
- L’examen préopératoire de mon père a révélé qu’il souffre d’hypertension. (Le préfixe pré‑ devant opératoire indique que l’examen s’effectue avant une opération; le préfixe hyper‑ ajoute le sens de « supérieure à la normale » au sens du mot tension.)
- Le courageux prince Frédéric affronta le dragon avec vaillance. (Le suffixe ‑eux s’ajoute au nom courage pour créer l’adjectif courageux; le suffixe ‑ance remplace la finale de l’adjectif vaillant pour former le nom vaillance.)
- J’ai acheté une maisonnette pour la transformer en chocolaterie. (Les suffixes ‑ette et ‑erie sont ajoutés respectivement aux noms maison et chocolat; les mots dérivés sont de la même classe que les mots de base.)
L’autre élément qui entre dans la formation d’un mot dérivé est soit un radical, soit un mot, généralement un nom, un adjectif ou un verbe. Par exemple, l’adjectif cyclotouristique, qui a le sens de « relatif au tourisme à vélo », est formé du préfixe cyclo‑, du nom touriste et du suffixe ‑ique. Pour former extraterrestre, on a placé le préfixe extra‑ devant l’adjectif terrestre, le mot dérivé ainsi formé signifiant notamment « qui est à l’extérieur de la Terre ». En ajoutant le suffixe ‑age au radical du verbe claquer, soit claqu‑, on obtient le mot dérivé claquage, qui désigne une blessure musculaire.
- Il pilote son bimoteur toutes les fins de semaine. (Le préfixe bi‑ signifie « deux fois ». Un bimoteur est un avion à deux moteurs.)
- Les copropriétaires doivent payer les frais d’entretien de leur immeuble. (Le préfixe co‑ signifie « avec » ou « en même temps ». Le droit de propriété de l’immeuble est partagé entre plusieurs personnes.)
- Le vétérinaire parlait calmement au chat qui, lui, miaulait intensément. (Le suffixe ‑ment signifie « d’une manière [indiquée par l’adjectif] ». Le vétérinaire parle de façon calme; le chat miaule de manière intense.)
- L’annonceuse a hurlé de joie lorsque le receveur a éliminé le joueur adverse avant qu’il ne touche au marbre. (Les suffixes ‑euse et ‑eur signifient « qui fait l’action ». La première personne fait l’action d’annoncer, la deuxième, de recevoir, et la troisième, de jouer.)
Présence de plus d’un préfixe et/ou d’un suffixe
On peut ajouter un préfixe ou un suffixe à un mot déjà dérivé. Il est donc possible, par exemple, qu’un mot comporte plusieurs préfixes ou plusieurs suffixes, ou à la fois des préfixes et des suffixes.
- Cette politique doit être revue bisannuellement. (Bis‑ est un préfixe et ‑ment est un suffixe.)
- Le remodelage du bâtiment annoncé au printemps est remis à l’an prochain. (Re‑ est un préfixe et ‑age est un suffixe.)
- Même s’ils étaient bien attachés, les lacets de ses chaussures se sont redéfaits. (Re‑ et dé‑ sont des préfixes.)
- La loi anticybercriminalité est entrée en vigueur hier. (Anti‑ et cyber‑ sont des préfixes et ‑ité est un suffixe.)
- La nationalisation de l’électricité a mené à la création d’Hydro-Québec. (Le nom nationalisation est dérivé de nationaliser, lui-même issu de l’adjectif national, formé à partir du nom nation.)
Remplacement d’une partie d’un mot par un préfixe ou un suffixe
Il arrive aussi qu’un suffixe ou une terminaison verbale vienne remplacer la finale d’un mot. On crée ainsi un mot appartenant à la même famille, mais dont la classe est souvent différente. Le verbe somnoler, par exemple, provient de l’adjectif somnolent. On a retiré de ce dernier le suffixe ‑ent pour le remplacer par ‑er. Autre exemple : le remplacement du suffixe ‑ment du nom embranchement, lui-même dérivé du nom branche, par la terminaison verbale ‑er pour former le verbe embrancher.
Dans de plus rares cas, c’est le début d’un mot qui est remplacé par un préfixe. Par exemple, en remplaçant les deux premières lettres du mot approprier (ap‑) par le préfixe ex‑, on a obtenu le verbe exproprier; le mot dégurgiter résulte du remplacement des lettres in‑ du verbe ingurgiter par le préfixe dé‑.
Éléments savants et dérivation
Les éléments de formation dits savants sont d’origine grecque ou latine; ils sont non autonomes en français. On les soude pour former des composés savants (par exemple, ophtalmologie et quadriplégie). Toutefois, certains de ces éléments fonctionnent parfois comme des préfixes ou des suffixes, c’est-à-dire qu’on les joint à un radical ou à un mot déjà présent dans la langue plutôt qu’à un autre élément savant. Plusieurs ouvrages pédagogiques considèrent alors les éléments savants comme des préfixes ou des suffixes. En effet, en langue générale, la distinction entre éléments savants, et préfixes et suffixes, est rare.
Par exemple, psych(o)‑ est un élément savant dans le mot psychiatre, puisqu’il est joint à ‑iatre. On peut toutefois le considérer comme un préfixe dans le nom psychomoteur, car il se trouve devant le mot moteur. Le même raisonnement s’applique dans radiologie, formé de radio‑ et ‑logie; on peut toutefois voir ‑logie comme un suffixe dans climatologie étant donné qu’il est placé après le nom climat (on ajoute un o entre les deux éléments pour des raisons d’euphonieHarmonie des sons se succédant dans un mot, un groupe de mots ou un énoncé.).