Emploi des formes féminines autrice et auteure
Plusieurs appellations permettent de désigner une femme qui écrit, particulièrement celle qui écrit des œuvres littéraires : c’est notamment le cas des formes autrice et auteure, toutes deux acceptées en français.
Cet article propose un tour d’horizon des divers usages, notamment de ceux observés au Québec.
La forme autrice
Le féminin autrice est accepté en français. Il s’est largement répandu au Québec et ailleurs dans la francophonie depuis la fin des années 2010, et il est aujourd’hui consigné dans plusieurs ouvrages de référence. Étant attesté depuis plusieurs siècles et étant correctement formé, ce mot n’est ni un néologisme ni un barbarismeFaute qui consiste à déformer un mot ou à confondre deux mots qui se ressemblent. Par exemple, chevals pour chevaux ou aréoport pour aéroport..
- J’ai découvert l’œuvre de cette autrice il y a quelques années.
- Elle est l’autrice des paroles, mais c’est son collaborateur qui a composé la musique.
- L’article n’est pas signé : impossible de savoir qui en est l’auteur ou l’autrice.
Certaines personnes ont pu exprimer des opinions défavorables quant à la forme autrice. Il convient de souligner que les féminins en ‑trice sont pourtant nombreux en français; on ne songerait pas à remettre en question actrice, auditrice, formatrice, lectrice, rédactrice ou traductrice, par exemple.
La forme auteure
Le féminin auteure a été créé pour répondre à un besoin de dénomination à une époque où la forme auteur ne connaissait pas de variante féminine usuelle. Il s’est très bien implanté au Québec, notamment à la suite des recommandations de l’Office québécois de la langue française sur la féminisation des appellations de personnes dans les années 1970 et 1980. Il est aujourd’hui relevé ailleurs en francophonie, et il est mentionné dans plusieurs ouvrages de référence.
Le féminin auteure cohabite donc avec autrice, les deux formes étant tout à fait acceptables.
- L’auteure sera sur place pour présenter son plus récent roman.
- La jeune auteure-compositrice-interprète lancera bientôt son deuxième album.
- Oui, nous sommes bien les auteures du rapport paru l’année dernière.
Autrice ou auteure : quelle forme retenir?
Chacun et chacune peut y aller de sa préférence quant au féminin à employer. Selon le cas, le choix peut se faire en fonction de la variante adoptée par la personne désignée elle-même.
Par ailleurs, notons que plusieurs autres appellations au féminin ou épicènes permettent de nommer celles qui écrivent. Certaines sont plus spécifiques et peuvent convenir dans des contextes précis : biographe, chroniqueuse, dramaturge, écrivaine, éditorialiste, femme de lettres, parolière, poète, rédactrice, romancière, scénariste, scriptrice, etc.
Emploi de auteur pour désigner une femme
Certains ouvrages de référence européens ont longtemps considéré ou considèrent encore que le mot auteur (tout comme écrivain) est invariable en genre. Ainsi, ils proposent par exemple, pour désigner une femme, un auteur ou une femme auteur (et un écrivain ou une femme écrivain), voire la forme épicène une auteur (une écrivain).
Pour sa part, l’Office déconseille l’emploi de telles formes au masculin pour désigner des femmes. Il privilégie le recours à des formes féminines proprement dites, comme une auteure ou une autrice (et une écrivaine). Des explications sont présentées dans l’article consacré à l’emploi de homme et de femme.
Autrice au fil du temps
En écrivant, les femmes ont fait couler beaucoup d’encre, et pas seulement celle de leurs propres plumes… Au fil des siècles, nombreux ont été les questionnements et les débats sur la manière de les nommer.
Le mot autrice est très ancien en français. Il s’agit de la forme régulière correspondant au masculin auteur, c’est-à-dire de la forme normalement attendue selon son origine. Auteur est issu du latin auctor, et autrice, du latin auctrix. Plusieurs féminins sont formés de manière analogue, par exemple acteur/actrice, de actor/actrix, et sénateur/sénatrice, de senator/senatrix.
Autrice est attesté dès le XIVe siècle dans divers emplois. Depuis le XVIe siècle, il sert à désigner plus précisément une femme qui pratique l’écriture. À partir du siècle suivant, il a toutefois fait l’objet de critiques de la part de certains observateurs de la langue, dont plusieurs ont jugé le métier de l’écriture peu convenable pour des femmes. De telles remarques ont ainsi pu contribuer à faire sortir autrice de l’usage. Le masculin auteur a été jugé seule forme correcte, même pour désigner une femme.
Au fil des siècles, plusieurs personnes ont tout de même plaidé en faveur du mot autrice. En voici deux illustrations :
« L’usage n’a pas jusqu’alors admis ce féminin [amatrice], ni celui d’autrice. […] on dit bien actrice, et assurément aujourd’hui on ne dirait pas une femme acteur. Il y a dans la langue française une foule de cas où l’habitude seule entrave la locution et contrarie l’enrichissement de cette langue. » (Jean Baptiste Richard de Radonvilliers, Enrichissement de la langue française : dictionnaire de mots nouveaux, 1845)
« Pourquoi cette réserve, cette peur d’user des forces linguistiques? Nous avons fait actrice, cantatrice, bienfaitrice, et nous reculons devant autrice […]. Autant avouer que nous ne savons plus nous servir de notre langue. » (Remy de Gourmont, Esthétique de la langue française, 1899)
Pour pallier la supposée absence d’un mot, en français, pour désigner les femmes de lettres, des tentatives de féminisation ont été faites, notamment au XIXe siècle. C’est ainsi que l’on a utilisé auteuresse et authoresse, par exemple. Ces formes ne se sont toutefois pas implantées.
Le mot autrice est progressivement réapparu dans quelques dictionnaires usuels à partir du milieu des années 1990. D’abord plus courant en Suisse, il se fait de plus en plus présent dans les médias de la francophonie, et un nombre croissant de locuteurs et de locutrices y recourent spontanément.