Qu’est-ce qu’un emprunt idiomatique?
L’emprunt idiomatique, aussi appelé calque phraséologique, résulte de la traduction mot à mot d’une expression figurée propre à une autre langue.
Traduction inappropriée d’expressions idiomatiques
Certaines expressions françaises ont un équivalent exact dans d’autres langues. Il peut alors être difficile d’établir s’il s’agit de créations parallèles ou de lointains emprunts et, le cas échéant, de déterminer qui a prêté et qui a emprunté l’image, la métaphoreFigure de style qui consiste à établir un rapport de ressemblance entre deux réalités distinctes sans recourir à un outil de comparaison. Par exemple : « Qu’est devenu mon cœur, navire déserté? » (Nelligan).. Toutefois, les langues ont très souvent leurs propres expressions, leurs propres images. Ainsi, dans bien des cas, et particulièrement en contexte de traduction, la reproduction mot à mot d’une expression peut s’avérer inappropriée.
- On dit, en français, filer à l’anglaise lorsqu’une personne quitte un lieu discrètement, furtivement (on trouve l’équivalent en roumain et en italien). En anglais, on s’en va plutôt « à la française » (to take French leave), tout comme en allemand, en catalan et en espagnol.
- En français, une personne enrouée a un chat dans la gorge. En anglais, c’est plutôt « une grenouille » qui se trouve ainsi coincée (to have a frog in one’s throat), tout comme en allemand et en néerlandais.
- Pour évoquer que quelque chose ne se produira jamais, on dit, en français, quand les poules auront des dents (on trouve l’équivalent en portugais). En anglais, pour exprimer la même idée, on fait plutôt référence au moment où « les cochons voleront » (When pigs fly ou Pigs might fly). D’autres langues font aussi référence à des animaux volants, par exemple « les ânes », en italien.
À la lumière de ce qui précède, pour les expressions françaises présentées ci-dessus, les variantes filer à la française, avoir une grenouille dans la gorge et quand les cochons voleront seraient considérées comme des traductions inappropriées. De manière générale, il convient donc de privilégier les expressions consacrées en français.
Expressions empruntées à l’anglais communes à toute la francophonie
Plusieurs expressions idiomatiques usitées en français sont calquées de l’anglais. Leur origine demeure bien souvent inconnue des locuteurs et des locutrices. En effet, certaines expressions ont été entérinées par l’usage, et leur origine n’est pas ou n’est plus signalée dans plusieurs ouvrages de référence. L’intégration peut en être facilitée par un caractère évocateur, par un sens transparent.
- Calquée de l’anglais to give the green light, l’expression donner le feu vert, qui signifie « donner la permission, l’autorisation », semble n’avoir jamais été signalée comme un emprunt dans les dictionnaires usuels.
- L’expression jeter le bébé avec l’eau du bain signifie « rejeter en bloc à la fois ce qui est essentiel et accessoire ». Elle est calquée de l’anglais (to throw the baby out with the bath water), qui l’aurait lui-même empruntée à l’allemand (Das Kind mit dem Bade ausschütten). De manière générale, elle est acceptée dans les ouvrages de référence, qui la donnent comme familière, sans en mentionner l’origine.
- L’expression ce n’est pas ma tasse de thé (that’s not my cup of tea) s’emploie pour signifier que quelque chose ne convient pas ou ne plaîtSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : plait. pas à quelqu’un. Entrée dans les dictionnaires à la fin des années 1980, elle a d’abord été signalée comme un emprunt ou comme un anglicisme. Cependant, de nos jours, plusieurs la recensent en ne mentionnant pas ou plus son origine.
Expressions empruntées à l’anglais propres au français québécois
En plus de celles qu’il a en partage avec les autres variétés de français, le français en usage au Québec comporte des expressions idiomatiques empruntées à l’anglais qui le caractérisent. Certaines ont acquis leurs lettres de noblesse, notamment en raison de la charge culturelle qu’elles revêtent, de leur ancrage dans la réalité socioculturelle. D’autres font toujours l’objet de réserves. Ces expressions qui caractérisent l’usage québécois constituent parfois des variantes d’expressions en usage ailleurs, voire d’expressions elles aussi calquées.
- L’expression familière accrocher ses patins, calquée de l’anglais to hang up one’s skates, est une image empruntée au jargon du hockey. Elle s’emploie au sujet d’un joueur ou d’une joueuse qui prend sa retraite. Au figuré, elle peut s’employer en référence à la cessation d’une activité, professionnelle ou autre (par exemple : un chanteur qui accroche ses patins). Bien ancrée dans la culture québécoise, tout comme le sport auquel elle fait allusion, et en apparence sans réel équivalent, cette expression semble avoir été très peu critiquée. Elle est donc tout à fait légitime. On la trouve d’ailleurs, avec ou sans indication de son origine anglaise, dans plusieurs ouvrages de référence (y compris ceux qui ont été conçus en France, avec la mention de sa spécificité canadienne).
- L’expression ne pas être sorti du bois est bien implantée au Québec. Calquée de l’anglais not to be out of the wood(s), elle signifie « avoir encore des difficultés à surmonter ». On peut y voir une allusion à la difficulté que peut représenter l’orientation en forêt. Elle a déjà fait l’objet de critiques, mais elle est aujourd’hui acceptée dans la plupart des ouvrages de référence. Toutefois, elle est généralement considérée comme familière, tout comme l’expression équivalente ne pas être sorti de l’auberge. Il est intéressant de noter que l’expression ne pas être sorti du bois est attestée au moins depuis le début du XXe siècle. Elle serait donc plus ancienne que son pendant ne pas être sorti de l’auberge. En effet, cette dernière, issue de l’argot du milieu carcéral français, ne serait attestée que depuis le milieu du XXe siècle. Le mot auberge y correspond au sens de « prison ».
- Les expressions figurées jeter la serviette et lancer la serviette sont courantes au Québec. Issues de l’univers de la boxe, elles s’emploient pour exprimer l’idée d’un abandon. En raison de leur origine anglaise (to throw in the towel), elles sont généralement critiquées. Pour les remplacer, on propose le plus souvent l’expression jeter l’éponge, qui, ironiquement, est elle aussi calquée sur l’anglais (to throw up the sponge). Parfaitement équivalentes, de même origine et bien construites en français, toutes ces variantes sont acceptables.
- Les dictionnaires européens ne signalent pas l’origine anglaise de l’expression la cerise sur le gâteau (the cherry on the cake), parfois considérée comme familière. Au Québec, la variante la cerise sur le sundae a pour sa part fait l’objet de critiques. On a proposé de la remplacer par son pendant européen, pourtant lui aussi calqué. Tout comme le mot sundae lui-même, l’expression québécoise est aujourd’hui mieux reçue dans l’usage.
- Calquée de l’anglais to talk through one’s hat, l’expression parler à travers son chapeau signifie « parler de manière irréfléchie, inconsidérée ». Bien qu’elle soit attestée au moins depuis le début du XXe siècle, elle demeure critiquée dans les ouvrages de référence. On y suggère de la remplacer notamment par l’expression parler à tort et à travers.