Les différents sens du verbe interférer
Le verbe interférer a notamment le sens de « produire des interférences » et de « se nuire », en parlant d’actions simultanées. Son emploi au sens de « s’immiscer » a longtemps été déconseillé. Cependant, des recherches approfondies et un réexamen des usages permettent de considérer cette extension de sens comme tout à fait correcte.
Premiers sens reconnus
Le verbe interférer s’est répandu en français à partir du XIXe siècle, vraisemblablement sous l’influence de l’anglais to interfere (lui-même d’origine française). Il signifie notamment, en physique, « produire des interférences, brouiller ». Au figuré, on l’emploie aussi pour décrire des actions simultanées qui se nuisent mutuellement.
- Les ondes des appareils cellulaires et de la radio de bord peuvent interférer.
- Ces projets pourraient interférer les uns avec les autres.
Autres sens admis
Le verbe interférer, notamment quand il est suivi de la préposition dans, peut avoir le sens de « s’immiscer, s’ingérer » (avec un sujet désignant une personne) et de « jouer un rôle dans » (avec un sujet désignant une chose). Ces emplois ont longtemps été critiqués et le sont encore dans quelques ouvrages, qui les considèrent comme des calques de l’anglais. Cependant, ces extensions de sens, normales dans l’évolution de la langue, sont acceptables notamment parce qu’elles s’intègrent bien au français et qu’elles sont présentes dans plusieurs ouvrages de référence québécois et européens. En outre, elles sont bien implantées dans l’usage.
Si l’on souhaite varier les formulations, on peut choisir un autre verbe équivalent, selon le contexte.
- Jules avait un comportement dérangeant. Il interférait dans tout. (ou : Il se mêlait de tout.)
- Les parents de Laura n’ont pas interféré dans la discussion. (ou : ne sont pas intervenus dans la discussion)
- Le gouvernement de ce pays a déjà été critiqué pour avoir interféré dans les affaires d’entreprises privées. (ou : pour s’être immiscé dans les affaires)
- Elle a tenté d’interférer pour qu’ils cessent leur dispute. (ou : de s’interposer)
- Cet incident avait interféré dans leur vie de couple. (ou : avait affecté leur vie de couple)
Emploi déconseillé de s’interférer
La forme pronominale s’interférer est parfois employée à la place des verbes pronominaux s’ingérer, s’immiscer, s’interposer. Cet emploi est peu relevé dans les ouvrages et est critiqué par ceux qui le mentionnent. Il est donc déconseillé.
- Pourquoi tient-elle absolument à interférer dans la conversation? (et non : à s’interférer)
Interférer, avant d’être « emprunté »
Certains mots empruntés au français par l’anglais il y a longtemps sont revenus par la suite dans la langue française. C’est le cas de interférer. Bien que l’influence de l’anglais sur l’usage de interférer au XXe siècle soit indéniable, il est intéressant de noter que des emplois plus anciens que ceux mentionnés dans les dictionnaires sont attestés en français. On relève en effet, dès le XVIIIe siècle, diverses occurrences du verbe dans le sens de « s’immiscer, s’ingérer » ou de « jouer un rôle dans », ou encore dans des sens proches (« intervenir », « perturber »).
- « […] un Artiste ne peut faire de faute plus impardonnable que de s’attacher à la Verité ou de se conduire par elle quand elle interfere avec l’agréable. » (Périodique Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savans de l’Europe, 1729)
- « D’un autre côté, les loix de l’Etat n’interferent point avec les fonctions purement sacerdotales […]. » (M. E. Gibert, 1788)
- « Il a resserré nos limites, attenté à notre intérieur, interféré dans nos plus petits détails domestiques […]. » (E. de Las Cases, 1816)