Règle générale du pluriel et du trait d’union pour le nom complément du nom
Il arrive souvent qu’un nom en complète un autre : date limite, jupe ballon, roman-fleuve, carte réseau, chandail mode, sauce pesto, etc. Ce nom complément doit-il varier en nombre quand le nom qu’il complète est pluriel? Doit-il être lié au nom qu’il complète par un trait d’union? Les réponses à ces questions ne sont pas simples; la Banque de dépannage linguistique (BDL) présente ici un tour d’horizon de la question.
Rapport de sens entre les deux noms
Pour savoir si le nom qui en complète un autre doit prendre la marque du pluriel, il faut d’abord déterminer le rapport de sens (et le rapport syntaxique) qu’il entretient avec le nom qu’il complète.
Certains noms compléments fonctionnent comme des adjectifs. Ils attribuent alors une caractéristique essentielle au référentObjet ou être du monde réel ou fictif auquel renvoie un mot ou un groupe de mots. Par exemple, le référent du mot pomme est le fruit lui-même, tel qu’il existe dans la réalité, et non le sens évoqué par ce mot.. Le nom complément et le nom qu’il complète renvoient au même être ou au même objet. Entre les deux, on peut ajouter qui est ou qui est comme (bon nombre de constructions se fondent sur la ressemblance) : date qui est une limite, jupe qui est comme un ballon, roman qui est comme un fleuve. Certains noms compléments sont plutôt en quelque sorte issus de la réduction d’une construction dans laquelle il y a généralement une préposition : carte (d’interface) réseau, chandail (à la) mode, sauce (au) pesto. Le nom complément désigne un autre être ou un autre objet que le nom qu’il complète.
Par ailleurs, il est possible qu’un même nom entretienne un rapport de sens différent selon le contexte. Il prendra ou non la marque du pluriel, selon le cas; par exemple : des villes satellites (qui sont des satellites), mais des images satellite (transmises par satellite).
Pluriel du nom employé comme adjectif
Le nom employé comme adjectif a tendance à varier en nombre quand le nom qu’il complète est pluriel, mais l’usage n’est, dans bien des cas, pas encore fixé. De fait, certains ouvrages de langue se limitent à recenser les noms employés comme adjectifs qui varient d’ordinaire en nombre et ceux pour lesquels l’usage est flottant. Par exemple : des congrès monstres, mais des serviettes éponge ou éponges.
Plusieurs dictionnaires de difficultés, par contre, suggèrent l’accord généralisé du nom employé comme adjectif. La BDL aussi. Il est vrai qu’habituellement, le nom ne reçoit pas les marques de genre ou de nombre d’autres mots dans la phrase. Ainsi, certains scripteurs choisissent parfois, dans les cas non consacrés par l’usage, de ne pas faire varier le nom employé comme adjectif. Cela ne saurait être considéré comme fautif, mais il nous apparaîtSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : apparait. tout de même plus cohérent de proposer l’accord, parce que le nom joue en contexte un rôle syntaxique pareil à celui de l’adjectif. La proposition vise à simplifier le raisonnement grammatical et, somme toute, elle s’inscrit dans la tendance générale.
- Un acteur vedette, des acteurs vedettes (c’est-à-dire : des acteurs qui sont des vedettes)
- Une boutique atelier, des boutiques ateliers (c’est-à-dire : des boutiques qui sont des ateliers)
- Un chapeau melon, des chapeaux melons (c’est-à-dire : des chapeaux qui sont comme des melons)
-
des classes passerelles
- des écoles modèles
- des enfants rois
- des exemples types
- des gâteaux éponges
- des légumes racines
- des livres témoignages
- des murs écrans
- des opérations coups de poing
- des papiers filtres
- des publicités spectacles
- des restaurants bars
- des robes fourreaux
- des témoins clés
- des solutions miracles
- des talons aiguilles
- des vaisseaux fantômes
- des visites surprises
Pluriel du nom quand une préposition est sous-entendue
Quand on peut sous-entendre une préposition devant le nom complément, il n’est pas question d’accord avec le nom complété. Dans ce cas, le rôle que joue le nom complément dans la phrase n’est pas tout à fait comparable à celui d’un adjectif : son emploi demeure d’abord et avant tout senti comme le résultat d’une réduction syntaxique : une sauce (à l’) avocat. Ainsi, c’est le sens qui indique si le nom complément évoque l’idée d’une réalité unique ou multiple. Cela dit, le nom complément est le plus souvent singulier.
- Un bijou fantaisie, des bijoux fantaisie (des bijoux de fantaisie)
- Un café crème, des cafés crème (des cafés additionnés de crème)
- Un motif armoiries, des motifs armoiries (des motifs d’armoiries)
- Un espace loisirs, des espaces loisirs (des espaces pour les loisirs)
-
des adresses courriel
- des cafés filtre
- des chaussures sport
- des concerts midi
- des foulards pure soie
- des légumes vapeur
- des produits minceur
- des rayons lingerie
- des sauces avocat
- des soirées grand public
- des styles château
- des vacances bistouri
- des voitures sport
- le son Cowboys fringants
- le style Picasso
- un régime protéines
Notons que les rapports entretenus entre le nom complément et le nom qu’il complète sont dans certains cas difficiles à paraphraser. De fait, deux graphies sont parfois possibles : des formules chocs (des formules qui sont comme des chocs), des formules choc (des formules de choc).
Trait d’union
L’usage du trait d’union entre le nom complément et le nom qu’il complète (peu importe leurs rapports sémantique et syntaxique) est aussi source d’hésitation. Il faut savoir que le trait d’union est généralement le signe d’une lexicalisation : une expression lexicalisée est un groupe de mots considéré comme une seule unité, comme un mot composéGroupe de mots soudés ou joints, ayant un sens propre et se comportant syntaxiquement comme une unité. Par exemple : millefeuille, nord-américain, tout de suite.. L’acceptation de tels mots se faisant graduellement, l’emploi du trait d’union est donc lié au degré de figement de l’expression.
- Un marché cible (un marché qui est une cible)
- Un mot mystère ou un mot-mystère (un mot qui est un mystère)
- Une sergente-chef (une sergente qui est une chef)
- Des infirmières-pivots (des infirmières qui sont des pivots)
- Une astuce beauté (une astuce qui contribue à la beauté)
- Un bébé éprouvette ou un bébé-éprouvette (un bébé « conçu dans une éprouvette »)
- Un timbre-poste (un timbre pour la poste)
- Des courriels poubelle (des courriels pour la poubelle)
Si l’on s’interroge sur la graphie à privilégier, avec ou sans trait d’union, il vaut mieux vérifier les usages consacrés. Pour ce faire, on peut avoir recours aux dictionnaires. La BDL donne également des renseignements sur bon nombre de cas particuliers.