Les phones et les phonèmes
Chaque langue possède un ensemble de règles portant sur les phones et les phonèmes; ceux-ci sont organisés dans ce qu’on appelle le système phonologique d’une langue. Les phonèmes sont des représentations abstraites des sons, alors que les phones sont des réalisations concrètes des phonèmes.
En linguistique, les phones sont l’objet d’étude de la phonétique, et les phonèmes, de la phonologie. Dans ces disciplines, par convention, on inscrit les phones entre crochets [ ] et les phonèmes entre barres obliques / /. Cette convention est respectée dans le présent article. Notons cependant que, dans un souci de simplicité, l’emploi des crochets est privilégié dans les autres articles de la Banque de dépannage linguistique.
Distinction entre phone et phonème
En linguistique, on distingue les phones (aussi appelés plus simplement sons) des phonèmes.
Les phonèmes sont des représentations abstraites des sons établies les unes par rapport aux autres selon leur fonction au sein d’un ensemble organisé (le système phonologique). Par exemple, le système phonologique du français possède 36 phonèmes : 16 voyelles, 17 consonnes et 3 semi-voyelles (aussi appelées semi-consonnes).
Selon le contexte et différents facteurs comme l’origine et l’âge du locuteur ou de la locutrice, chacun de ces phonèmes peut être prononcé de différentes manières. Ces variantes sont les phones, c’est-à-dire les réalisations concrètes de ces phonèmes.
Plusieurs phones, un seul phonème : l’exemple du /R/
Dans une langue donnée, un même phonème peut être réalisé par différents phones et, dans la mesure où l’on trouve dans le phone émis les traits distinctifs du phonème, celui-ci est reconnu et distingué des autres phonèmes.
Ces traits sont, pour les consonnes : le lieu d’articulation, le mode articulatoire, la sonorité (ou voisement) et la nasalité (ou oralité); et pour les voyelles, le degré d’aperture (ouverture de la bouche), le lieu d’articulation, la résonance labiale et la nasalité (ou oralité).
Au Québec, on répertorie plusieurs variantes (des phones) du phonème /R/, dont certaines sont prononcées avec le bout de la langue et d’autres avec le dos de la langue. Malgré les différentes prononciations possibles, lorsque nous entendons l’une ou l’autre de ces variantes, nous reconnaissons toujours le phonème /R/, parce que les phones entendus ont tous en commun certains traits, qui les opposent aux autres phonèmes du français.
Deux phones, deux phonèmes : l’exemple du /s/ et du /z/
La consonne /s/ est prédorso-alvéolaire (lieu d’articulation), c’est-à-dire que la partie avant du dos de la langue touche les alvéoles au moment de l’articulation; il s’agit d’une constrictive (mode articulatoire), puisque l’air n’est que partiellement bloqué; elle est sourde (sonorité), puisque les cordes vocales ne vibrent pas au cours de l’émission de l’air; elle est orale, c’est-à-dire que l’air ne passe pas par la cavité nasale, contrairement à certains phonèmes comme /m/, /n/, /ã/ et /ɔ̃/. Le seul de ces traits qui distingue le phonème /s/ du phonème /z/ est la sonorité : le premier est une consonne sourde, alors que le second est sonore.
Prenons l’exemple du mot vis, qui se prononce [vis]viss : si l’on modifie le trait de sonorité pour faire du /s/ une consonne sonore, en faisant vibrer les cordes vocales au moment de l’émission de l’air (tout en conservant tous les autres traits articulatoires), la consonne articulée sera plutôt [z]. On ne prononce donc plus [vis] (viss), mais bien [viz] (vizz).
Tout locuteur francophone, du fait de ce changement de prononciation, ne percevra plus le même mot; aussi peut-on déduire de cette expérience que les réalisations phonétiques [s] et [z] correspondent, en français, à des phonèmes différents, soit /s/ et /z/.
Notons que, dans certaines langues, comme l’espagnol, ces deux phones correspondent à un seul et même phonème; ainsi, une telle différence de prononciation n’interfère pas dans la compréhension d’un énoncé. Chaque langue possède, en effet, son propre système phonologique et des traits distinctifs qui lui sont propres.