Emplois admis de spéculer et de spéculations
En français, le verbe spéculer et le nom spéculations en sont venus à prendre respectivement le sens de « conjecturer » et de « conjectures ». Ces emplois sont désormais admis au Québec et ailleurs dans la francophonie.
Sens premiers
En philosophie, s’adonner à des spéculations ou spéculer, c’est méditer, s’appliquer à une étude abstraite. Dans le domaine des finances, c’est effectuer des opérations commerciales ou financières sur une valeur ou sur un produit en espérant en retirer un bénéfice. Au figuré, spéculer sur quelque chose ou se livrer à des spéculations sur cette chose, c’est compter sur celle-ci pour réussir ou espérer en tirer un avantage. Ainsi, on peut par exemple couper court aux spéculations sur des croyances, sur l’avenir; alimenter la spéculation sur le prix d’une action, spéculer en Bourse, à la hausse ou à la baisse; ou encore spéculer sur les faiblesses d’un adversaire.
Extensions de sens
L’emploi de spéculations comme synonyme de suppositions ou de conjectures, et de spéculer à la place de conjecturer, a été critiqué par le passé. Dans les ouvrages de difficultés de la langue, on a campé une position sur l’hypothèse d’un emprunt sémantique à l’anglais speculations et to speculate, passant sous silence la possibilité pourtant bien réelle d’une extension naturelle du sens « étude, considération, recherche abstraite, purement théorique » que revêt spéculations, et du sens « réfléchir, méditer » de spéculer. Or, même si l’influence de l’anglais ne peut être entièrement écartée, l’extension de sens s’avère et est dorénavant admise en français.
- Après des semaines de spéculations sur l’issue du vote, les candidates et candidats vont enfin être fixés.
- La déclaration du ministre a coupé court aux spéculations des journalistes. (Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition)
- Cessons de spéculer et faisons preuve de pragmatisme.
Soulignons que spéculations peut revêtir le sens péjoratif de « construction de l’esprit non vérifiée, opinion fondée sur une hypothèse, voire sur des préjugés défavorables ». En français, on explique cet emploi par une extension d’un des sens premiers de spéculation, celui de « considération purement théorique », qui doit son caractère péjoratif à l’aspect défavorable sous lequel on présente parfois la spéculation financière, comme s’il s’agissait de malversation boursière.
- Ce ne sont là que pures spéculations!
Pour un vocabulaire riche et diversifié
Spéculer et spéculations sont acceptables en français avec ce nouveau sens de « conjecturer » et de « conjectures ». Comme ce sens n’est pas encore consigné dans la majorité des dictionnaires de langue générale, on peut toutefois leur préférer les équivalents conjecturer et conjectures, voire d’autres mots comme hypothèses, prédictions, rumeurs, supputations ou suppositions.
- Les archéologues du monde entier spéculent sur l’origine de cet artéfact. (ou : conjecturent)
- Ses déclarations ont alimenté les spéculations au sujet d’une possible alliance entre les deux sociétés mères. (ou : rumeurs)
- À ce stade des recherches, il ne s’agit que de spéculations. (ou : d’hypothèses)
- À force de spéculations, nous sommes arrivés à une certitude. (ou : suppositions)
- Les spéculations vont bon train. (ou : supputations)