Réouvrir ou rouvrir?
Les questionnements concernant rouvrir et réouvrir sont plus que centenaires. L’Office québécois de la langue française reconnaîtSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : reconnait. sans contredit rouvrir, qui figure dans les dictionnaires depuis longtemps, mais il accepte également réouvrir, plus récemment admis dans certains ouvrages reconnus.
Autrement dit, les deux variantes sont acceptables pour désigner l’action d’ouvrir de nouveau ce qui a été fermé.
- Le journal titrait : « Coronavirus : l’Europe rouvre/réouvre ses frontières ».
- Je t’invite à visiter ce superbe musée dès qu’il sera rouvert/réouvert.
- Les deux pays ont consenti sans réserve à rouvrir/réouvrir le traité.
- Rouvrir/Réouvrir les discussions vous a permis de trouver rapidement une solution.
Raison pour laquelle réouvrir est acceptable
La règle de français consacrée, qui se décline de bien des manières dans les ouvrages de difficultés, se résume ainsi : « le verbe correct est rouvrir et non réouvrir, mais on dit réouverture ». Non seulement cette règle énonce une incohérence, mais elle s’appuie sur une idée reçue. Cette idée est que réouvrir est un barbarisme, c’est-à-dire une altération de rouvrir, une erreur sur la forme du mot. Or, réouvrir n’est pas une déformation de rouvrir : il s’agit d’un mot correctement formé et qui a été employé sporadiquement au fil des siècles. C’est l’évolution de la langue, loin d’être toujours homogène, qui explique la coexistence de rouvrir et de réouvrir.
Histoire de rouvrir et de réouvrir
Rouvrir date du Moyen Âge. Il a été formé par l’ajout de l’une des formes possibles du préfixe re‑ au verbe ouvrir. La variante réouvrir, plus récente, aurait connu une certaine popularité à partir du XIXe siècle, peut-être sous l’influence du nom réouverture, qui est entré dans les dictionnaires à cette époque. En fait, de manière générale, ce sont les formes en ré‑ qui se sont imposées en français moderne. Des mots nouveaux ont ainsi été créés, et des variantes sont apparues, venant concurrencer ou remplacer, dans l’usage courant, des formes en r‑ souvent beaucoup plus anciennes. À titre d’exemples, on peut penser à des verbes comme réactiver, rééduquer et réinventer, ou à des paires comme réessayer/ressayer, réaccoutumer/raccoutumer et réapprendre/rapprendre.
Présence de réouvrir dans les dictionnaires
Le traitement accordé à la variante réouvrir diffère d’un ouvrage à l’autre. Si réouvrir est absent de plusieurs dictionnaires, il est tout de même relevé dans un certain nombre : reconnu en entrée à côté de rouvrir, sans marque, ou encore présenté dans une remarque, celle-ci exprimant le plus souvent une critique. L’emploi de réouvrir n’en demeure pas moins acceptable pour les raisons exposées précédemment. Les éditeurs font des choix quant à ce qu’ils souhaitent intégrer ou non à leurs publications, et ils n’ont pas tous la même perspective.
Choix d’une variante ou de l’autre
On peut choisir l’une ou l’autre des variantes. Certaines personnes jugent que la prononciation de rouvrir est particulièrement harmonieuse (euphonie). Il est certes possible de la préférer à celle de réouvrir. Toutefois, la rencontre de deux voyelles à l’intérieur d’un mot (hiatus) est fréquente et ne pose aucun problème. On peut penser à des mots comme aérer, réussir, poésie ou… réouverture, qu’on ne corrige jamais en rouverture. En outre, d’autres personnes estiment que rouvrir est la variante neutre ou soignée, et que réouvrir est la variante familière; en réalité, réouvrir n’est pas aussi catégoriquement associé à un niveau de langue moins soutenu.
S’il est vrai que rouvrir demeure la variante la plus employée à l’écrit, tant au Québec qu’en Europe, il reste que réouvrir est bien présent dans l’usage standard, et qu’il n’est pas non plus absent de l’usage soutenu. Les noms de Céline, de Stendhal et de Leroux ne sont pas inconnus des amateurs et amatrices de littérature; ces illustres écrivains, et plusieurs autres, ont employé réouvrir.