Le nom banc de neige
Le mot banc de neige, pour désigner un amas de neige compacte, formé naturellement par accumulation ou lors d’un déneigement, a autrefois été critiqué par plusieurs observateurs de la langue au Québec. Aujourd’hui, il est bien reçu dans l’usage et figure dans plusieurs ouvrages de référence, tant du Québec que de la France, où il est donné comme caractéristique du français québécois.
- La tempête a soufflé toute la nuit et a laissé d’immenses bancs de neige dans le parc.
- Les enfants des voisins ont construit un fort dans le banc de neige, devant la maison, et s’y sont amusés tout l’après-midi.
Un héritage de France
Le québécisme banc de neige est attesté depuis longtemps en français. L’historien Bacqueville de la Potherie en fournit une première attestationPassage d’un texte pris en exemple pour faire la preuve de l’utilisation d’un mot ou d’un groupe de mots à un moment donné, dans un lieu donné. dans son Histoire de l’Amérique septentrionale, parue en 1722 : On découvrit les traces qui paroissoient d’un homme qui s’enfuïoit [...] Ils eurent beau courir, ces traces s’évanoüirent à la fin, parce que les Bancs de néges étoient fondus. Comme l’ouvrage a paru vingt ans après que son auteur eut soumis son manuscrit pour publication, on peut ainsi croire que banc de neige s’employait déjà au début du XVIIIe siècle, et même avant.
Il semble bien que banc de neige soit venu d’Europe, et plus particulièrement de régions de France d’où étaient originaires les colons qui s’établirent en Nouvelle-France. Des ouvrages anciens attestent banc de neige dans des parlers du Nord et même en Wallonie.
Qu’en est-il de l’anglais snowbank?
Ironiquement, l’anglais snowbank, soupçonné par certains observateurs de la langue au Québec d’être à l’origine de banc de neige, alors considéré comme un anglicisme, pourrait même, au contraire, être un calque du français. En effet, l’Oxford English Dictionary n’atteste la forme anglaise que depuis 1779, soit plus de cinquante ans après la première attestation connue de banc de neige. Il ne faut pas oublier qu’au XVIIIe siècle, les emprunts de l’anglais au français – tout comme l’inverse, du français à l’anglais – ont été particulièrement nombreux.
Un mot bien enraciné
Le mot banc de neige figure dans le recueil de « canadianismes de bon aloi » que l’Office québécois de la langue française a fait paraîtreSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : paraitre. dans les années 1960. Certaines personnes, en raison de son origine anglaise supposée, ou par un excès de purisme, ont tout de même cherché à le remplacer par congère, dénomination qui semblait lui correspondre en français européen. Toutefois, cette dernière n’a pas vraiment réussi à s’implanter au Québec, où elle demeure plutôt marginale, y compris dans les médias. Aujourd’hui encore, banc de neige reste donc bien vivant au Québec, de même qu’en Acadie.
Signalons par ailleurs que congère est attesté en français seulement depuis 1866, soit environ un siècle et demi après banc de neige. Pendant tout ce temps, il a bien fallu nommer la réalité désignée par ces deux appellations…
Une réalité, plusieurs appellations
Il est intéressant de constater que les francophones du Québec ne sont pas les seuls à user d’un mot qui les caractérisent pour nommer cette réalité. En effet, d’autres appellations coexistent avec le mot congère dans certaines régions de la francophonie où de tels amoncellementsSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : amoncèlements. peuvent faire partie du paysage. Par exemple, pour désigner une accumulation de neige résultant de l’action du vent, on utilise gonfle ou menée en Suisse romande et dans des régions de France limitrophes (notamment la Franche-Comté). Dans certaines régions d’Acadie, on rencontre d’autres synonymes : houle de neige ou roue de neige, ou encore rouleau ou roulis, employés seuls ou suivis du complément de neige.
Signalons en outre qu’il existe plusieurs manières de désigner les bandes que forme la neige rejetée par une déneigeuse en bordure d’une voie de communication. Au Québec, le terme le plus courant est remblai (de neige), mais on emploie également andain (de neige). Ce dernier terme est également attesté en Europe, où bourrelet (de neige) semble cependant plus fréquent.