L’adjectif malaisant
L’adjectif malaisant, même s’il est apparu récemment au Québec, n’est toutefois pas une création québécoise. Bien qu’il n’y ait pas de raison de l’éviter, on peut, au besoin, le remplacer par un certain nombre de formulations exprimant la même idée, selon le contexte.
Occurrences
Malaisant (au féminin, malaisante) est consigné dans le Dictionnaire Hachette depuis le début des années 2000, dans le même sens qu’on lui donne au Québec, soit « qui provoque un malaise ». Il est attesté dans la presse francophone depuis 2005 au Québec, et depuis 1995 en Europe, toujours dans la même acception, c’est-à-dire pour qualifier quelque chose (une production artistique, un sujet, des révélations, une situation, etc.) qui suscite un sentiment de malaise, qui provoque de l’inconfort chez la ou les personnes présentes. Des occurrences dans des journaux français, tels que Libération, Le Monde, Le Progrès (Lyon), donnent à penser que le mot est même assez répandu.
Contexte d’emploi
Le Dictionnaire Hachette appose à malaisant la marque familier. Or, les occurrences dans les journaux susmentionnés révèlent que malaisant ne semble pas relever de la langue familière. Si certains le mettent entre guillemets, cela semble s’expliquer davantage parce qu’ils ne l’ont pas trouvé dans le dictionnaire. Cette absence des dictionnaires serait aussi la raison pour laquelle des observateurs de la langue ont conclu à tort qu’il s’agit d’un emploi propre au Québec.
Utilité
Par ailleurs, on peut se demander si malaisant est nécessaire, la langue française possédant d’autres façons de rendre la même idée. En fait, malaisant a un sens qui lui est propre, qui n’est pas couvert par malaisé ou mal à l’aise, avec lesquels il n’est pas interchangeable. Ce sens propreSens le plus courant d’un mot ou d’une expression, par opposition au sens figuré. Par exemple, le sens propre de cœur, « organe qui assure la circulation sanguine » s’oppose au sens figuré « l’essentiel d’une chose », comme dans l’expression le cœur d’un débat., qui évite le recours à une périphraseSuite de mots qui désigne une chose ou une personne de façon imagée ou descriptive, en remplacement de son nom habituel. Par exemple, la Belle Province, qui désigne le Québec. du type qui met mal à l’aise, expliquerait son utilité.
Histoire de la forme
Quant à la forme de l’adjectif malaisant, elle vient du participe présent du verbe malaiser qui, même s’il n’est plus actuellement en usage, a bel et bien existé en français. Littré, dans son dictionnaire paru au XIXe siècle, l’atteste dans une remarque sous malaisé : « Le Berry [région du Centre] a un verbe malaiser, mettre mal à l’aise, verbe d’ailleurs usité dans l’ancienne langue. » Cet usage est confirmé par la consignation du verbe malaiser (ou malaisier) dans des dictionnaires d’ancien et de moyen français, notamment ceux de Godefroy et d’Huguet, dans les sens d’« incommoder, gêner, tourmenter ».
Solutions de remplacement
Même s’il n’existe aucune raison d’éviter l’emploi de malaisant, il y a d’autres façons d’exprimer la même idée, notamment les mots embarrassant et gênant, ou encore des périphrases du type qui crée un (certain) malaise, qui met mal à l’aise, qui embarrasse ou qui provoque une certaine gêne.
- […] un film au mutisme malaisant, qui, jusqu’au dernier plan, laisse le spectateur dans un état d’indécision terrifiant. (quotidien français Libération, 2003)
- Délibérément malaisant et provocateur, ce spectacle récurrent est de nature à rebuter le spectateur. (quotidien français Le Monde, 2002)
- Il n’y a là aucun effet malaisant, plutôt une gêne [...] (quotidien français Libération, 2015)
- Malaisant et angoissant à souhait. [critique d’un film] (revue française L’Obs, 2016)
- C’est cinglant, corrosif, parfois même « malaisant ». Ça fait rire absurde, jaune et noir. [critique d’un spectacle] (lapresse.ca, 2015)
- […] c’est un sujet délicat, c’est un sujet malaisant, c’est un sujet triste. (Radio-Canada, 2015)