Emploi et sens de se ramasser
Le verbe pronominal se ramasser est fréquemment employé au Québec. Il appartient au registre familier en parlant de personnes, mais il est d’un registre neutre en parlant de choses qui s’accumulent en un endroit.
Se ramasser, en parlant de personnes
En parlant de personnes, le verbe ramasser – utilisé dans de nombreux contextes – est de registre familier. De manière générale, le verbe neutre qui pourrait lui correspondre est se retrouver au sens d’« être soudainement ou finalement dans une position, dans un endroit ».
Toutefois, d’autres synonymes peuvent parfois lui être substitués. Non pas que se ramasser soit à éviter, si on respecte les registres de langue, mais la très grande fréquence de ce verbe au Québec fait qu’il est bon de pouvoir disposer de synonymes pour varier quelque peu son discours.
Exemples où se ramasser a le sens de « se trouver dans un endroit sans l’avoir prévu ni voulu »
- Elle s’est retrouvée à l’hôpital. (ou, plus familièrement : s’est ramassée)
- Le jeune s’est retrouvé chez des inconnus. (ou, plus familièrement : s’est ramassé)
- Il a dû retourner chez ses parents après son retour de voyage. (ou, plus familièrement : s’est ramassé)
Exemples où se ramasser a le sens de « se réunir, se rencontrer dans un lieu sans l’avoir planifié, spontanément »
- Ils se sont spontanément réunis au bar de l’hôtel. (ou, plus familièrement : se sont ramassés)
- Les adolescents se rejoignent machinalement dans le parc le soir. (ou, plus familièrement : se ramassent)
Exemples où se ramasser a le sens de « se trouver dans un état ou dans une situation, généralement triste ou pénible, alors qu’on ne s’y attendait pas »
- Il s’est retrouvé sans argent après avoir perdu son travail. (ou, plus familièrement : s’est ramassé)
Exemples où se ramasser a le sens d’« être amené à faire quelque chose sans l’avoir souhaité, y être contraint par la force des choses »
- Elle est obligée d’occuper deux emplois pour équilibrer son budget. (ou : n’a pas d’autre choix que de, est forcée de et, plus familièrement : se ramasse à)
Exemples où se ramasser a le sens d’« arriver finalement quelque part sans l’avoir planifié »
- Ils sont finalement arrivés dans cet hôtel, le seul encore ouvert. (ou, plus familièrement : se sont ramassés, ont abouti, ont atterri)
Exemples où se ramasser a le sens de « se trouver accidentellement dans une fâcheuse position »
- Le chauffeur s’est endormi, et son camion a basculé dans le fossé. (ou : s’est renversé et, plus familièrement : s’est ramassé)
- Il a dérapé et a foncé dans un banc de neige. (ou : est rentré et, plus familièrement : s’est ramassé)
- Dans la tempête, on a quitté la route. (ou : on a fait une sortie de route et, plus familièrement : on s’est ramassés dans le champ)
Exemples où se ramasser a le sens de « faire une chute »
- La femme a glissé sur le trottoir et est tombée par terre. (ou, plus familièrement : s’est ramassée)
Se ramasser, en parlant de choses
Se ramasser peut également s’employer à propos de choses qui s’accumulent en un endroit. Le verbe est d’un registre neutre dans cet emploi, contrairement aux précédents. Il a notamment pour synonymes s’entasser, s’accumuler ou s’amasser.
- Les feuilles se sont ramassées sur la grille d’égout, empêchant l’évacuation de l’eau. (ou : se sont entassées, se sont accumulées, se sont amassées)
- Avec la force du vent, des débris se sont ramassés sur son terrain. (ou : ont été balayés)
Se ramasser dans la lexicographie
La grande fréquence du verbe se ramasser en français du Québec pourrait laisser croire que son emploi y est propre. Mais des attestationsPassage d’un texte pris en exemple pour faire la preuve de l’utilisation d’un mot ou d’un groupe de mots à un moment donné, dans un lieu donné. éparses dans la francophonie témoignent qu’il est en usage ailleurs, même s’il n’y semble pas aussi courant.
Par ailleurs, des commentaires d’observateurs de la langue confirment que le verbe transitif ramasser a eu tendance à multiplier ses emplois en français : ramasser « est d’un emploi très large » (Hanse-Blampain) ou « Le verbe a tendance à prendre des acceptionsSens particulier que prend un mot ou un groupe de mots dans un contexte déterminé. Par exemple, le mot manteau désigne, en géologie, la couche interne de la Terre située entre la croûte terrestre et le noyau. de plus en plus nombreuses et diverses » (Dupré). On peut supposer que cette tendance a pu également s’étendre à l’emploi pronominal, du moins dans la langue familière ou populaire.
Se ramasser employé au sens de « se trouver (sans l’avoir prévu) »
Le dictionnaire Le grand Robert de la langue française consigne se ramasser dans le sens de « se trouver (inopinément, sans l’avoir prévu) », en l’illustrant d’un exemple qui peut sans doute paraîtreSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : paraitre. familier aux Québécois : On a fini par se ramasser chez un type qu’on ne connaissait même pas.
Se ramasser employé au sens de « se rassembler, se réunir »
On relève également se ramasser dans le sens de « se rassembler, se réunir » dans la langue générale du XVIe jusqu’au XIXe siècle. Le célèbre lexicographe Littré illustrait cet emploi par cet exemple : Ils se ramassèrent en grand nombre sur la place publique. Les dictionnaires modernes ne l’enregistrent plus, sauf le Grand Larousse de la langue française, qui le considère comme vieilli.
Se ramasser employé au sens de « tomber »
Se ramasser dans le sens de « tomber » est également relevé dans les dictionnaires français (par exemple : se ramasser en descendant l’escalier), mais certains, comme le Lexis et Le grand Robert, l’illustrent par se ramasser par terre, ce qui rappelle davantage l’usage québécois. On y cite en outre Charles Péguy, écrivain français du début du XXe siècle : L’inclinaison générale en avant. C’est ainsi qu’on finit par se ramasser par terre.
Se ramasser employé au sens de « s’accumuler »
Quant au sens de « s’accumuler » en parlant de choses, on relève cet emploi dans certains dictionnaires comme le Logos (« S’accumuler en un point précis », illustré par cet exemple : la neige se ramasse dans les encoignures) ou comme le Grand Larousse (« En parlant de choses concrètes ou abstraites, s’accumuler de façon importante et frappante », illustré par cette citation de l’orateur Fléchier [XVIIe siècle] : Dans ces lieux [les hôpitaux] où se ramassent toutes les infirmités de la vie humaine, citation que l’on trouve également dans le Dictionnaire de la langue française de Littré).
Mentionnons encore que cet emploi est également connu en français louisianais (Pendant l’ouragan Audrey toutes qualités d’affaires s’ont ramassé contre la levée du Intercostal ou Un corps s’a ramassé au Lac Arthur, dans A. Valdman, Dictionary of Louisiana French), ce que l’on peut voir comme une confirmation de son origine française.