Prononciation de la lettre r
Aujourd’hui, en langue neutre ou soutenue, la prononciation de la lettre r correspond habituellement au r fricatif. Toutefois, plusieurs facteurs, notamment l’origine géographique des locuteurs et des locutrices, font en sorte que l’on trouve dans l’usage une certaine variété de prononciations.
Au fil de l’histoire de la langue, le r apical, variante antérieure autrefois standard, a été remplacé par une variante postérieure, qui peut se réaliser comme un r grasseyé ou comme un r fricatif selon qu’elle est prononcée avec ou sans battements de la luette.
On observe toujours une certaine hésitation dans le choix du symbole utilisé pour transcrire le phonème correspondant. Les ouvrages de référence adoptent /r/, /ʀ/ ou /ʁ/, même si la prononciation attendue est généralement [ʁ].
Le r fricatif [ʁ]
Le r fricatif est prononcé en élevant le dos de la langue vers la luette (appelée également uvule palatine) et en laissant s’écouler l’air de façon continue à travers le conduit vocal ainsi resserré.
En termes de phonétique, le r fricatif est décrit comme une consonne fricativeQualifie une consonne dont l’articulation est caractérisée par un resserrement du conduit vocal, ce qui crée une turbulence lors de l’écoulement de l’air., dorso-uvulaireQualifie une consonne articulée en rapprochant le dos de la langue de la luette (aussi appelée uvule palatine). et voiséeQualifie un phonème articulé en faisant vibrer les cordes vocales..
Le r fricatif, désormais considéré comme standard au Québec et ailleurs dans la francophonie, constitue la réalisation sans battements perceptibles de la variante postérieure qui a remplacé graduellement le r apical à partir du XVIIe siècle.
Le r grasseyé [ʀ]
Le r grasseyé est prononcé en élevant le dos de la langue vers la luette, comme le r fricatif, mais son articulation implique également une vibration de la luette. L’écoulement de l’air n’est alors plus continu : il est interrompu de façon intermittente par les battements de la luette.
En termes de phonétique, le r grasseyé est décrit comme une consonne vibrante rouléeQualifie une consonne dont l’articulation est caractérisée par une interruption intermittente de l’écoulement de l’air causée par les battements rapides d’un organe., dorso-uvulaire et voisée.
Le r grasseyé constitue la réalisation avec battements de la variante postérieure qui a remplacé graduellement le r apical à partir du XVIIe siècle. Aujourd’hui, cette variante postérieure est plus généralement réalisée sans battements, ce qui en fait un r fricatif.
Le r apical ou r roulé [r]
Le r apical, également appelé r roulé, est produit en élevant la pointe de la langue vers la base des dents supérieures (près du palais) et en la faisant vibrer. Ce sont ces battements de la langue qui font en sorte que l’écoulement de l’air est interrompu de façon intermittente.
En termes de phonétique, le r apical est décrit comme une consonne vibrante roulée, apicoalvéolaireQualifie une consonne articulée en rapprochant la pointe de la langue des alvéoles, situées entre les dents supérieures et le palais dur. et voisée.
Le r apical s’est longtemps maintenu comme variante standard au Québec, plus particulièrement dans l’ouest de la province, où la variante postérieure a mis plus longtemps à s’implanter. De nos jours, il est généralement considéré comme vieilli ou associé à certaines aires de la francophonie.
La prononciation du r dans l’histoire de la langue française
Le r apical, prononcé à l’avant de la bouche, est un héritage du latin. On le trouvait autrefois en français comme on le trouve toujours aujourd’hui dans plusieurs des langues romanes, par exemple en espagnol, en italien ou en roumain.
Le XVIIe siècle a vu l’apparition en France d’une variante toujours roulée, mais désormais prononcée plus à l’arrière, le r grasseyé. Ce r grasseyé s’est graduellement imposé comme la nouvelle norme, le r apical se maintenant toutefois dans quelques régions et dans l’usage individuel de certains locuteurs et de certaines locutrices.
Au Québec, sous l’influence notamment du clergé, le r apical a maintenu son statut de variante de prestige jusqu’au début du XXe siècle, voire jusque dans les années 1950 dans la grande région de Montréal. Toutefois, comme en France, il a cédé la place à la variante postérieure. Cette dernière s’est propagée d’est en ouest, s’imposant comme variante standard dans toute la province à partir de la seconde moitié du siècle.
Parallèlement à ce changement sociolinguistique, en France comme au Québec, un phénomène articulatoire fait en sorte que la variante postérieure en est venue à se réaliser le plus souvent sans battements. C’est ainsi que le r grasseyé a été remplacé par le r fricatif que l’on entend aujourd’hui.