L’adjectif songé employé au sens d’« intelligent »
L’emploi de l’adjectif songé au sens d’« intelligent » est un québécisme appartenant au registre familier. On peut tenir à l’utiliser pour colorer ses propos, mais on peut aussi employer un autre adjectif, surtout dans la langue soignée.
Dans la langue soignée, notamment à l’écrit, et lors d’échanges à caractère plus officiel, on gagnera à employer un autre adjectif, plus standard, parmi la panoplie qui exprime avec justesse les divers sens que l’on prête à l’adjectif songé.
- Ce sont des questions intelligentes, intellectuellement exigeantes. (ou, plus familièrement : des questions songées)
- Le livre le plus recherché de la rentrée littéraire. (ou : le plus ingénieux, le plus astucieux; ou, plus familièrement : le plus songé)
- Cette artiste possède un style qui, bien qu’au premier abord primaire, se révèle en réalité tout à fait réfléchi. (ou : original, travaillé; ou, plus familièrement : songé)
- Quel discours éloquent! (ou : bien ficelé; ou, plus familièrement : songé)
- Un texte, un humour brillant, fouillé. (ou, plus familièrement : un humour songé)
- Des réflexions, des paroles profondes. (ou, plus familièrement : des paroles songées)
Pour colorer le discours
Cela dit, on peut tenir à employer l’adjectif songé pour colorer le discours. Il faut toutefois savoir que songé, le plus souvent mélioratifQui présente ce dont il est question sous un aspect favorable., peut également, dans certains contextes, revêtir une connotation péjorativeValeur subjective défavorable qu’a un mot ou un énoncé, en soi ou dans un certain contexte. Par exemple, le mot tacot a une connotation péjorative que n’a pas le mot neutre automobile. ou tenir de l’ironie.
- « Le cinéma français, c’est longuet et songé », nous a avoué le scénariste. (ou : alambiqué)
- « Comme tu peux parfois tenir des propos songés, compliqués et ronflants! » (ou : retors)
- Vous auriez ri de m’entendre me justifier à grands coups de raisonnements songés. (ou : tortueux, compliqués)
Une histoire récente qu’on peut suivre à la trace
Il est rare qu’on puisse avec autant de précision circonscrire de manière géographique et temporelle l’apparition dans l’usage d’un nouveau vocable. Or, les recherches permettent de confirmer que la forme adjectivale du verbe songer n’existait pas avant 1988. Elle s’est répandue dans l’usage au Québec, popularisée par une campagne publicitaire à saveur humoristique que lançait une entreprise très connue de boissons gazeuses cette année-là. Dans la publicité, l’emploi de l’adjectif visait à souligner par la dérision le vocabulaire limité du personnage imaginé et joué par Claude Meunier, acteur, dramaturge, humoriste et réalisateur québécois. Depuis, songé s’est répandu dans l’usage au Québec, et son aire sémantique s’est élargie pour englober tous les sens qu’on lui connaîtSelon les rectifications de l’orthographe, on peut aussi écrire : connait. aujourd’hui. On le trouve fréquemment employé sous la plume de chroniqueurs, et la connotation ironique qu’il comportait initialement ne lui est plus toujours associée. Cet emploi de l’adjectif songé au sens d’« intelligent » n’est pas en usage dans le reste de la francophonie.